Galaxies, de Haroldo de Campos

Et si c’était ça la poésie, recevoir la vibration du monde ?

 Que le corps s’en fasse la chambre d’écho et que les mots se mettent à vibrer, à s’embrasser, à danser, à résonner ? Et si c’était un abandon ? Un contact avec autre que soi, qui rentre en soi et devient plus soi que soi.

Être disponible à ce que l’on attend pas, si c’était cela aussi la poésie ?

Le Brésil des années 60 était de tous les défis et la poésie n’était pas en reste. Chantre de la poésie concrète et du modernisme brésilien, Haroldo de Campos prends la poésie de tous les temps et de toutes les langues à bras le corps de l’avenir et du futur et lance une phrase infini comme l’espace en 50 poèmes dans un chant cosmique, une matière sonore galactique qu’il faudrait entendre en portugais car la musicalité sensuelle et visuelle est ici le sujet même de cette écriture étonnante, baroque mais aussi qui s’autogénère à la façon de la biosynthèse et est un être vivant à part entière.

Il s’agit bien d’un poème monde, d’un souffle lyrique charnel et épique, d’une inventivité constante de mille yeux comme des pages lancés dans l’espace, non pour le percer mais voyager, faire corps et entrevoir un chant foisonnant mais palpable et palpitant. Il ne faut pas avoir peur de cette phrase qui au fil de ces quelques 131 pages ne respire jamais ni ne s’arrête et n’est pas ponctué. Telle est la matière du poème qui refuse tout recul et prends le parti du corps du poème. Se mêler au flux des mots, sons, images, pensées et attentif y participer, tel est la gageure.

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Pour le monde et l’imaginaire, son ouverture, la liberté du centre à ne plus être marge ,   au delà du jeu de la couleur et de la langue , l’inscription dans une conscience de la terre et une humanité dont une évidence que ce monde imposé, fer, câbles, grille est sang, est une violence qui nous fait basculer dans la rigidité et la fixité et que celui que je suis au seuil d’un en-vie enthousiaste de défiance, récuse,
Dire la souffrance qui n’est pas apparente, appartenir par conviction à l’autre coté parce qu’il n’est pas possible de se lier à celui dont je ne vois que les crocs et jeter des filins comme des fils de pêche de lumière et petit à petit tisser ce maillage qui mieux qu’un rhizome provenant d’une origine se jette dans la baie du possible et  la voie à suivre comme un courant audible gronde en dessous des terres des mers lèche les pieds des mères et se réclame de toutes sans approfondissement de l’aval qui de toutes façon à sombré sans couleur ni lieu sans de ci delà un deux parsemés aux accents évanouis mais qui reprennent vie comme des taches sur une robe de cheval aux couleurs du diamant en gorge d’argile et sailli par le ciel à flot de l’eau
Que ce soit ici ou la-bas, l’en-vie prend naissance dans la bouche s’assume dans la bouche du golfe, avide et se nomme aujourd’hui
L’autre voit les blessures qui attachent à la peau aux sens et les collines des ancêtre et les nomme pour ce qu’ils sont menaces arrachement et destruction, l’anéantissement et lui ne peut plus peindre en rêve, de là où tu vas et où tu ne vas pas, sans devenir sans source visible l’eau semble opaque est elle tarie ? sans ellipse, directement dans une gueule du cosmos au dessus du temps qui s’en rit
La pensée à peindre, écrire et traduire, trouver les ponts et quoique les messages du monde des lettres des jours qui enferme nos devenir dans un agenda fermé ces mots, ces murs, ces séparations cette fatigue qui me parviennent, en fait une justification, contre le gré peu ou prou de beaucoup, le gré de peu qui est opaque , incompréhensible et du domaine du suicide, qui constamment nous relance sur un coté de boue, dans cette voirie de rails âpres, comme un parcours du monde occidental obligé mais desséché braillant la nécessité de l’aléatoire et du superflue
Mais au delà des attaches abstraites de métaux lourds et de terres rares il a un cri ou la parole dénudé comme un fil électrique à vif , qui mort ou caresse ou vit , en accord avec ce rythme de vivre, pousser, fleurir, gémir alors le sève circule de nouveau, le bébé pousse et les explosions de la destruction deviennent intolérable et il faut les jeter dehors d’une existence qui ne se comprend bien que sans
et que mes bouts de chairs sont parvenus là à l’orée du même lieu que toi, das une trajectoire de bâtons rompus , d’élancement d’objets cassés qui s’attirent et se répulsent , s’annulent comme une passerelle vive sans voir de quoi il peut bien être question dans cette forêt d’annotations mathématique qui n’ont de sens que dans la couverture énergétique et saillante du monde et je marche dessus et m’enfonce dans la forêt, à rebrousse chiffres et prend le chemin de la grève et me jette à l’eau , conscient et perdant pieds dans l’inconscience, l’étincelle qui a lieu comme seule boussole . 

Edmond Charlot , éditeur à Alger

Le récit d’un homme méconnu, qui fut le premier éditeur de Camus et de tant d’autres, nous raconte en filigrane l’Algérie coloniale jusqu’à aujourd’hui

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Titre en apparence anodin, « nos richesses », le roman de Kaouther Adimi nous parle du Livre, de la Littérature et de l’engagement des hommes du siècle dernier à faire vivre la flamme de l’exigence de la pensée et de l’écrit, de l’engagement de l’homme dans le siècle et de l’importance de l’humain et de l’amitié, c’est à dire de la relation que nous pouvons nouer alors que nous sommes engagés sur la voie de la littérature, voila notre véritable richesse. Roman bien documenté et fidèle à la vie de cet éditeur qui fut entièrement animé par la passion de la littérature, le récit s’entrecroise avec une autre histoire, celle de nos jours, d’un jeune homme étrangement troublé par la découverte du passé, pour lui indéchiffrable dans une ville qu’il ne connait pas : ce sont deux époques qui se rencontrent et ne se comprennent pas.

Charlot-jeuneEdmond Charlot fut le premier éditeur de Camus alors que celui -ci, jeune homme, résidait à Alger et était déjà cet écrivain engagé dans la pensée et la politique,  la rencontre , l’amitié, la connivence, le compagnonnage sur la voie de la littérature les engagent sur ce qui ressemble à un apostolat car c’est du sens à donner à l’existence dont il s’agit. Pour l’éditeur, que la passion de la littérature  anime, poussé par son professeur l’homme de lettres Jean Grenier, la décision d’ouvrir, dans l’Alger de 1930, une librairie qui soit aussi  maison d’édition, galerie, lieu de rencontre intellectuelle, est avant tout une antre de l’amitié. Par amitié, au delà du sens fondamentalement humain, il faut sans doute entendre « compagnonnage » car si à cœur vaillant rien d’impossible, rien ne se fait seul ni sans  rencontres, noyaux qui se constitue entre ces hommes qu’anime l’esprit de l’époque et  l’envie d’entreprendre.  Voila les étincelles de la passion et l’utopie suprême de la littérature qu’Edmond Charlot et ses amis tout au long du siècle vont patiemment poursuivre.

La flamme intellectuelle, l’esprit de littérature, la quête de vérité , la passion de l’action, les grandes époque sont un grand incendie où tout prend feu, l’esprit, l’étincelle où se reconnaissent les générations, la jeunesse poussée par les ainés, ce furent Giono, Gide, Grenier qui ont favorisé l’éclosion mais laissé libre le mouvement. Alger, avec Marseille fut la capitale  de l’esprit du Sud, signe peut être de la vitalité de l’esprit méditerranéen. Alger et les colonies françaises nord africaines regorgent d’homme de lettres qui y vivent, voyagent (on pense à l’attrait de Paul Klee pour le Maghreb, en particulier la Tunisie),  sont attirés ou de passage, y font leur service militaire où se retrouvent dans un lieu dépoussiéré (par rapport à Paris) et où la fougue du soleil et de la civilisation solaire impulse un esprit bien différent de celui du Nord. Est-ce simplement un signe des temps, un épisode dans la vie de la civilisation, on est frappé tout au moins par ce hasard. Outre Camus, l’éditeur rencontrera et publiera Max Paul fouchet, Frédéric Jacques Temple, Jules Roy, Jean Grenier, Emmanuel Robles, André Gide, Gabriel  Audisio et Jean Amrouche qui prendra une part active, notamment à la revue « l’arche ». Pas mal pour un catalogue, qui s’augmentera, après guerre. des écrivains spécifiquement algérien, comme Jean Sénac , Mouloud Feraoun, Mohamed Dib, kateb Yacine, prenant acte de l’esprit de révolte et de libération soufflant sur l’Afrique.

Revue_Rivages,_1938_et_1939Comment une petite maison d’édition sans moyens a t’elle pu attirer à elle tant de grands noms ? Est-ce la force de l’amitié, d’une génération en route pour la construction d’un monde nouveau, l’esprit de résistance déjà présent lorsque l’éditeur publie le texte interdit « révolte dans les Asturies », cosigné par Albert Camus, est-ce la marque de la littérature, de la passion et de l’engagement d’une époque qui défiait l’histoire et qu’il fallait inventer ? Le conventionnel, le laisser aller n’est pas de mise, la tyrannie et la guerre pointent et la mort de Garcia Lorca, l’engagement dans la guerre d »Espagne des ainées qui montrent la voie, on pense à Malraux, orwell, Hemingway et à tous ces jeunes hommes qui ne pouvaient faire moins  que prendre parti car la littérature de cette époque est habitée, la vie d’un homme passe par son engagement et la littérature en est un. C’est la force de récit de nous montrer à quel point l’esprit de la littérature fut important pour ces hommes et à contrario combien notre époque lui semble indifférente. Que des hommes puissent sacrifier le confort d’une existence pour une utopie et des idées nous semble incroyable et le personnage de Ryad, jeune homme du vingt-et-unième siècle chargé de déblayer ce qui reste de la librairie dans des sacs poubelle semble poser la question, heureusement, Abdallah, ce personnage intemporel veille comme un ange et est la figure des pères.

Ce coté de la Méditerranée est voué au rayonnement de la pensée solaire, lumineuse, forte, humaine, telle que Thierry Fabre citant Albert Camus, nomme « la pensée de midi » et qui fut comme une lumière que le sud de Nietzsche projetait sur l’Europe. Ce n’est pas anodin que l’éditeur nomme la librairie  « les vraies richesses »  d’après un titre d’un des livres de Jean Giono,  qui fut lui aussi un des grand homme de ce Sud, dont les alter ego  seraient Nikos Kazantzakis, Giuseppe Tomasi di Lampedusa ou ceux à venir dans l’après colonisation, Kateb Yacine ou Frantz Fanon. Tout au long du livre, les grandes revues méditerranéenne comme les « cahiers du Sud » de Jean Ballard à Marseille, mais aussi « rivages », les cahiers de barbarie, « l’arche » etc. rappellent ce que fut Alger tout au long du siècle et nous découvrons  cette rive de la méditerranée,  d’abord colonie, attirant hommes de bonne volonté et voyageurs, puis pendant la guerre siège de la France Libre rayonnant de tous ces résistants et soldats venus libérer l’Europe, autochtones sous l’uniforme et jeunes venus de Londres, puis haut lieu de la révolte contre le maître colonial quand souffle l’esprit de liberté  contre l’oppresseur, laboratoire de l’esprit anticolonial avant que ne s’abatte la guerre et la souffrance. Ce livre en est aussi le récit et c’est sa valeur que de nous le rappeler.

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L’auteur : Elle est algérienne, n’a que 31 ans, vit depuis 2009 en France, où paraît déjà son troisième livre, intelligent, tout en délicatesse et merveilleusement audacieux : repérée dès 2006 par le prix du Jeune Écrivain francophone, elle reçoit le prix littéraire de la Vocation 2011 pour L’Envers des autres. Après Des pierres dans ma poche (2015), Kaouther Adimi reprend la plume au nom d’une personnalité magnifique du patrimoine littéraire que partagent l’Algérie et la France : le libraire-éditeur Edmond Charlot (1915-2004). Source : (le Point)

Pour suivre :

sur Edmond Charlot :wikipedia  et film documentaire.fr

à propos de l’auteur : Kaouther Adimi sur jeune Afrique

quelques critiques sur le site des éditions du Seuil   sur Huffingtonpostmaghreb  Babelio  ; la presse.ca

sur La cause littéraire et sur le blog « l’or des livres »

Avec Paterson, Jim Jarmush rend hommage à la poésie et à la capacité qu’a chaque être humain de sublimer sa vie, aussi simple soit elle.

A Paterson, New Jersey, dans les premières années de ce siècle, la  vie simple de Paterson, conducteur de bus et poète a le rythme lent des habitudes immuables. Le long des rues, le conducteur de bus emmène ceux qui le prennent et prête une oreille à leurs histoires, extraordinaires et banales. Il profite d’un moment entre deux tournées pour écrire le  poème qui lui vient, attentif à la vie qui passe, aux détails infimes de l’existence comme cette boite d’allumette qui pour lui, est comme un poème d’amour pour sa femme. Il semble dire : la vérité est dans les petites choses, les moments gagnés sur le vide quand les mots se greffent sur l’écran, superposés au paysage, à la vie lente et à la subtilité tendre des variations. Le soir , il rentre chez lui et retrouve sa femme, véritable artiste à sa façon, redécorant sans cesse la maison, tel est le quotidien de Paterson, poète conducteur de bus à Paterson, New Jersey, États-Unis.

Le film, rend un hommage appuyé à la poésie américaine qui au vingtième siècle, a été comme un laboratoire du sens de la culture qui était en train de naître. La référence à  William Carlos Williams,  poète culte de l’avant garde américaine et médecin à Paterson, New Jersey, sa ville natale, qui toute sa vie exercera la médecine tout en étant l’un des poètes des plus important du siècle, et l’auteur d’un recueil de poèmes, qu’il titre « Paterson », véritable fresque moderniste dédiée à la ville à base de collages issus de la réalité crue qu’il observe lors de ses consultations, articles de journaux, poèmes en vers, dialogues, observations, tel est le poème moderne pour Williams Carlos Williams et que poursuivent toujours les poètes du vingt-et-unième siècle. Le Paterson, filmé par Jim Jarmush est l’un de ceux là dont les poèmes sont en fait ceux écrits pour le film par le poète Ron Padget, poète d’aujourd’hui qui écrit de courts poèmes de la vie quotidienne. Poète préféré du cinéaste, Ron Padget parvient à distiller cette magie des quelques mots à la fois dits et écrits sur la pellicule, en surimpression des images et qui est comme une autre peau de la réalité vécu, mais n’est-ce pas le cas de la poésie et du poète, pour lequel la poésie est comme un regard déformé posé en surimpression, en pensée, sur les pages du carnet secret et flottant sur le film.

 Le film regorge de poètes, chacun à sa manière est un poète, soit qu’il pratique la poésie, comme cette jeune fille rencontrée ou ce rappeur cherchant ses rimes dans une lavomatique de nuit ou tel autre japonais rencontré de manière improbable et qui est comme un ange qui, quelque part, sauvera Paterson. La ville, la poésie est rencontre, rencontre de poètes, ouverture de l’esprit sur ceux qu’elle croise ou qu’elle cotoie, et c’est tout le film qui se déroule comme un immense poème et par l’entrebâillement, le cinéma de Jim jarmush qui est tout cela à la fois et le personnage Paterson prend la suite de ces losers magnifique, pleins de l’intérieur que sont le Johnny Depp de Dead man , le Tom Waits ou John Lurie de down by law et le Forest Whitaker de Ghost dog ou broken flower et Valentine pour ne citer qu’eux, les second roles étant eux aussi des créateurs en puissance, anges déchus sous l’aile de Jim Jarmush.
Là, le personnage joué par Golshifteh Farahani, actrice iranienne qui illumine le film comme en contrepoint à la présence silencieuse de Paterson. Car la femme de Paterson s’empare de tous les objets du quotidien de sa maison et en fait de véritables poèmes visuels, réalisant par l’image et le rythme, l’équivalent de ce que le poète fait avait les mots mais avec tant de joie qu’elle en est lumière et résistance à la banalité du réel qui devient un véritable tableau, ce sont rideaux de douches, cupcakes, encadrement de portes, tapis, boite de cuisine, robes et garde robe et coussins du sofa, on en perd le fil , la réalité entière est redessinée et surtout décorée par cette artiste anonyme qui pourtant de façon obsessionnelle exprime la beauté que l’âme par le regard pose sur le monde. Tel fait aussi le poème, sans couleur, avec des mots fragiles et périssables, illuminant le quotidien que la vie nous propose, voila ce que semble nous dire ce grand artiste du cinéma qu’est Jim Jarmush.

Actuellementà la médiathèque :

Afin de faire le lien avec l’exposition « Dans la barque de l’or du temps » retraçant les 30 ans d’activité de l’éditeur et poète Luc Vidal, la médiathèque vous propose d’emprunter le dvd « Paterson » de Jim Jarmush ainsi que les livres de William Carlos Williams, Paterson, et « le printemps et le reste » et vous invite à découvrir son rayon poésie situé sur le balcon

Pour aller plus loin :

Sur Ron Padget:

Meet Ron Padget sur le site Bleeker street , un entretien entre Jim Jarmush et Ron Padgett

sur le site des éditions Joca Seria

Sur le film Paterson :

Les critique sur Télérama ,
culturapoing.com ,
le monde

 

 

Ce qui frappe dans la lecture du poème c’est la lumière qui illumine le poème comme le jour vient éclairer la nuit et l’obscurité. Amina Saïd est une poète de la lumière, la luminosité méditerranéenne se pose sur le monde comme une quête spirituelle. Elle est une poète de la lumière en ce sens que le poème invite à poser une lumière sur l’obscurité, à s’allier au rêve de la nuit et puis c’est le monde qui se pose.

AminaSaid

Amina Saïd est née d’un père tunisien et d’une mère française à Tunis, où elle a grandi. Elle a commencé à écrire des poèmes dès l’enfance. Après ses études à la Sorbonne, elle enseigne à la faculté des lettres de Tunis, avant de s’installer à Paris tout en faisant de fréquents séjours dans le pays de sa naissance. Elle s’oriente ensuite vers le journalisme.

Né à Tunis d’un père tunisien et d’une mère française, elle est dès son plus jeune âge habitée par l’écriture et la poésie et ne cesse de démêler les fils que la vie et le temps a placé devant elle. Amina Saïd habite les deux rives, les deux langues et est entrainée dès son enfance à un voyage qui l’attire sur les chemins du monde. Car son père est toujours en partance et la couvre de présents qui sont les témoins de toutes les contrées traversées. Afrique, Europe, Asie, le monde s’ouvre dans la diversité et l’identité n’en finit plus de décliner les possibles, les horizons et les possibilités envisageant une parenté avec ce qu’Edouard Glissant appelait un Tout-Monde. Là où l’être se démultiplie, se ramifie en une myriade poétique qui fait de l’imaginaire une invitation perpétuelle à explorer ce qui des étoiles aux marches de la terre peuvent rythmer l’existence.

Amina Saïd voit sa poésie comme une autobiographie spirituelle, c’est assez dire que l’extérieur et ‘intérieur ont partie liée. Si la poésie est toujours liée à l’intériorité, à l’émotion et la spiritualité, elle ne se défait jamais de la réalité extérieure, les paysages, le sens qu’ils peuvent prendre pour l’auteur, l’histoire, le voyage et la méditation. Ainsi nous retrouvons les astres, le soleil et les étoiles, mais aussi le désert, l’île et les rives, la vague et la mer, autant de points récurrents de cette présence au monde qu’elle maintient vive, ouverte et en mouvement. Le monde est mouvement et elle dans le monde, impliquée en accord avec la poésie profonde qui le rythme, observe les pays et les cultures, l’Afrique, par exemple où elle fait escale mais aussi les Philippines, Djibouti, Gorée la noire ou Heidelberg qu’elle salue : « chaque terre est notre terre et une autre terre »,

Récemment, depuis 2010 et avec la récente publication au éditions du « Petit véhicule » du recueil « chronique des matins hantés » directement inspirés par les événement tragiques de Tunisie en 2011 et qui évoquent un temps où l’aube prend la main du crépuscule en une lumière d’un temps sans temps, moment où les différences sont abolies et sont l’occasion d’une réflexion profonde sur l’être arabe dans cette période troublée où plus rien n’est vraiment ce qui parait. Amina Saïd se laisse traverser par les bouleversements qui ont lieu dans sa terre natale, le printemps du Jasmin en Tunisie la bouleverse, mais aussi l’Irak, la Syrie, où le chaos les guerres meurtrières, le non-sens règnent. Ce sont aussi tous les changements qui font qu’elle peine à reconnaitre le pays de son enfance qui devient nostalgie, mémoire et qui dans sa poésie appelle un travail de fond essentiel aux sources de la culture arabe. L’histoire et le mythe devient matière première et aide à recomposer le présent chaotique qui seul ne peut rendre compte de la réalité du Levant et du Maghreb. Après avoir écrit des contes, Amina Saïd convie les personnages de l’histoire et le récit qui sur des lieux de l’histoire, embarquent sur le navire de l’imaginaire, ce fabuleux moteur de la marche en avant du monde. Tombeaux pour sept frères, Alexandre et Ibn Battuta , le grand voyageur arabe des premiers temps, nous entrainent dans une épopée qui invite à dépasser les apparences de l’identité. 

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Les temps sont troubles, Amina Saïd, poète de la lumière et de l’intériorité se laisse traverser par les heurts qui ont lieu dans sa terre natale, la révolution du Jasmin en Tunisie la bouleverse, mais aussi le chaos des guerres meurtrières en Irak, en Syrie, et dans tout le Moyen-Orient. Car récemment le monde a pris un tour dramatique et la guerre, la crise sociale, le désarroi ont pour elle une résonance douloureuse. C’est-ce qui la pousse à rédiger des chroniques qui serviront de base aux poèmes, dont le caractère urgent et émotionnel se ressent à la lecture.

Dans ce livre lumineux où la poésie est reine et où l’aube prend la main du crépuscule a lieu une véritable réflexion sur le monde arabe. Amina Saïd poursuit son autobiographie spirituelle entre identité et appartenance, profond attachement culturel et sensibilité font du recours à l’amour une douleur pour une terre et une âme. Tout autant nostalgie que mémoire, celle qui écrit, se souvient du pays de son enfance, souffre des changements survenus dans les lieux qu’elle a connu et qu’elle peine à reconnaitre. Elle rejoint ces poètes qui se penchent sur l’essence, au cœur de la crise, de ce qui demeure de la quête du beau et qui fait la quintessence de la culture millénaire aujourd’hui sous les feux des canons et de la destruction.

En prise constante avec le monde, ces recueils précédents l’avaient emmené sur le versant du récit mythique et historique mais n’était-ce pas aussi une façon de répondre à la douleur de l’actualité en évoquant l’orient de toujours, meilleure façon peut être de rendre compte de l’incompréhensible du présent ?
Que le poème s’empare de la subtilité de la culture permet d’éclairer d’une lumière discordante ce qui ne peut avoir de nom et de le rattacher à l’écriture et à l’imaginaire qui sauve.

ABD-6

Deux parenthèses ne font pas un cercle
et n’ont rien de définitif
puisqu’elles s’ouvrent et se ferment
comme une porte à laquelle frapper
ou encore les paupières et la bouche
d’un homme ou d’une femme qui parle
elles sont simplement les cils de nos yeux
quand ils regardent le monde ou deux ailes
pour s’envoler au-delà de la page

de même les aiguilles des horloges
ne sont pas des flèches
et ne savent pas rejoindre la cible
ni ne sont le bec d’un oiseau
mais elles consentent à la séparation
du temps et du fleuve

car le temps tout entier présent
en chaque instant ne se laisse pas
enfermer dans une boite
il coule comme la lumière ou le sang
sur les feux de la terre

Amina Saïd , chronique des matins hantés (ed du petit véhicule)


L’œuvre poétique d’Amina Saïd est essentiellement une quête ontologique, un voyage au long cours dont chaque recueil est une étape. Tout poème y est mouvement, élan spirituel, flux générateur. Sont mises en question l’aventure humaine – existentielle, symbolique, historique – et l’identité, toujours à construire, comme l’œuvre elle-même, incandescente et limpide. Une dialectique constante des complémentarités et des séparations hante cette poésie, dont l’une des composantes est l’attachement aux deux rives de la Méditerranée. Une appartenance qui ressemble fort à l’exil et légitime la quête du lieu, l’errance, comme elle génère la prolifération des doubles et des oppositions.
Les poèmes aux images fulgurantes et remarquablement rythmés mettent en valeur la sobriété, la concision, l’étonnante densité sensuelle d’une écriture dont les spirales entraînent le lecteur au cœur des antiques prophéties. Car le poète, familier des grands mythes, en irrigue son imaginaire, sans jamais occulter les enjeux contemporains, ni paraphraser la vie réelle, et tout en assumant le féminin singulier de sa condition objective. Une parole intense, dictée par l’absolue nécessité, une œuvre mouvante et émouvante qui atteint à l’universel. Ghislain Ripault

 

Bibliographie
– Paysages, nuit friable, Barbare, Vitry-sur-Seine, 1980.
– Métamorphose de l’île et de la vague, Arcantère, Paris, 1985.
– Sables funambules, Arcantère/Ecrits des forges, Paris – Trois-Rivières (Québec), 1988 ; Arenas Funambulas, traduction de Myriam Montoya, Fundacion Editorial El Perroy y La Rana, Ministerio de la Cultura, Caracas (Venezuela), 2006.
– Feu d’oiseaux, Sud n° 84, Marseille, 1989 (prix Jean Malrieu, Marseille, 1989).
– Nul Autre Lieu, Ecrits des forges, Trois-Rivières (Québec), 1992.
– L’Une et l’Autre Nuit, Le Dé bleu, Chaillé-sous-les-Ormeaux, 1993 (prix Charles Vildrac, Paris, 1994).
– Marcher sur la Terre, La Différence, Paris, 1994.
– Gisements de lumière, La Différence, Paris, 1998.
– De décembre à la mer, La Différence, Paris, 2001.
– La Douleur des seuils, La Différence, Paris, 2002.
– L’horizon est toujours étranger, CD, Artalect, Paris, 2003.
– Au présent du monde, La Différence, Paris, 2006.
– Tombeau pour sept frères, calligraphies de Hassan Massoudy, éditions Al Manar, Neuilly, 2008.
– L’Absence l’inachevé, La Différence, Paris, 2009.
– Les Saisons d’Aden, éditions Al Manar, Neuilly, 2011.
– The Present Tense of the World: Poems 2000-2009, traduction et préface de Marilyn Hacker, édition bilingue, Black Widow Press, Boston, 2011.
– Le livre intérieur, Mon royaume pour un livre, seize écrivains racontent, coédition Le Castor astral-L’Atelier imaginaire (Bègles, 2013).
– Le Corps noir du soleil, calligraphie de couverture de Hassan Massoudy, Rhubarbe, Auxerre, 2014.
– Amina Saïd, Clairvoyante dans la ville des aveugles. Dix-sept poèmes pour Cassandre, Editions du Petit Véhicule, Nantes, 2015.
– L’obscur en sa lumière, Lignes de vie, dix-huit écrivains disent leur rapport à la poésie, coédition Le Castor astral-L’Atelier imaginaire (Bègles, 2015).
– Chronique des matins hantés, peintures d’Ahmed Ben Dhiab, Editions du Petit véhicule, Nantes, 2017.

être métaphorique

Ce n’est pas l’amour de la métaphore, mais les images qui me sont chères renvoient à des réalités que je perçois dans la distance, ma main se tend et du regard chaleureusement au présent de mon cœur et dans mon vocabulaire, renvoient au vent de désir et sont peut être du domaine de la métaphore ou semblent l’être.   Ne sont elles que des éléments d’un langage poétique choisi, amoureux sachant que l’amour est souvent un choix, choix de se donner , se choisir opter de se laisser être par ce qui subjugue. La réalité, faite de rêve ou de texture sensible teinte et transforme celle réductrice qui est brutale en un monde élu, dans la puissance et la tendresse des flots qui finissent par nous englober, la maison alors est  ce déplacement, le cœur apaisé puisqu’il a reconnu et a choisi. Dès lors comment juger  la réalité comme d’une frontière écorchante, les mots même sans qualifier, portent en eux les graines et les fleurs, la parure  situant le rêveur dans une réalité éloignée qui n’est pas immédiatement du domaine de l’expérience concrète mais en fait un lieu d’élection. Il y a alors un déplacement, un « transfert » quelque chose qui pour pouvoir se manifester prend une peau et une apparence poétisée. La métaphore est avant tout celle de la tendresse et de l’abandon à soi. Une fonte des limitations et une reconnaissance des courants, je me rends à qui me subjugue, lui apportant ma soif de ma vie, utilisant les mots de sa langue et devenant cette eau, s’il st possible.

sonylaboutansi-t.beucherLa lecture de « encre, sueur, salive et sang » de SLT me confirme dans ce déplacement qui  depuis de longues années, a pris possession de ma compréhension, élargissant et teintant la vie comme je la vois de tons éloignés ou distant, désiré et soudés à mon regard, ma pensée contredit le glauque de ce qu’il voit, dans le nu des sens et s’est emparé du pinceau et des couleurs lissant la voile et le palmier, l’être de douceur qui me rejoint et transparait, tendant la main et la brillance du regard aux étoile, à ne plus apporter aucun crédit ni attention à la société occidentale dominante du moins en globalité car il y a toujours des espaces de résorption dans ses marches ou marges qui demeurent  des plages, on ne peut pas tout rejeter, il y a des haltes, des pauses et le paysage qui s’offre à nous est contrasté, mais prenons garde de ne pas s’en satisfaire et d’accepter de différer le départ. En partance sans retenue pour l’enveloppe poétique en réduire les empêchements.

C’est qui tu es, c’est là où tu vas parce que c’est cela que tu es , ce lieu est toi, a fini par l’être, ne peut pas ne pas l’être.

C’est ainsi que je me suis d’abord approché du monde que j’ai voulu toucher, par brefs écarts en voyage, là où les différentes réalités humaines s’interpellent, se croisent, s’envisagent, se yeutent et font l’expérience l’une de l’autre, de leur croisement et miction provient une musique multiple dont le mélange rappelle celui de la nature, une voix plongée dans la diversité et l’hybridité permettant à soi de plonger  dans une écoute de l’autre non limitative mais cumulative, participative, entropique et à l’écoute, des voix visibles ou audibles, lisibles, la différence sauve d’une identité trop fausse et perpétuellement en proie à une question qui n’a pas de raison d’être puisque l’on peut y répondre le soir aux étoile, dans les yeux et les attractions des corps, dans les cousinages d’âmes et d’esprit qui font la richesse et le foisonnement de la différence. On désire le monde sans le précipiter. S’approcher du corps timide de ne pas oser imposer avec puissance ce que le corps réverbère en soi, est inimaginable et n’a lieu que parce que l’esprit le tient éloigné en le convainquant qu’il n’a pas droit de cité dans le centre vibrant hors de la pulpe de la poésie, d’où la nécessité de passer par ce travers pour que le monde touche et m’ingère devenant petit à petit plus divers en moi même, me reconnaissant en m’augmentant des imaginaires,  couleurs et images et  présence tactiles, loin de tout artefacts de pensées quand à la création d’établir domicile et de laisser les voix faire écho.

 Glissant, Segalen,  Leiris et d’autres innombrables résument dans leur pensée ce à quoi je me suis frotté et me frotte.  Il ne s’agit pas de convaincre car toujours la vision indécrottable d’un ici privatif règne en maitre sur l’identité  alors que le désir de rencontre, le penchant naturel à s’éloigner du terreau provisoire, qui peut sembler fournir une réponse temporaire, continuellement temporaire, ne sert réellement à rien et ne peut que trouver une issue que dans la diversité et l’être ensemble, tout au moins rompre la solitude par l’évocation de l’autre. Leiris le passeur m’indique des endroits enflammés qui vont être des lieus de renouveau de la conscience, l’idée même en étant cela. Renouveler les tirets entre les différentes faces de la personne et engager une construction en devenir, le monde les instabilisant, l’étincelle c’est l’incendie. La francophonie héritée de l’effort colonial européen qui dans en premier temps met en contact les différents horizons avant de les cannibaliser, a produit ces zones de frictions que des écrivains tentent de cerner ou mieux de frictionner. C’est pourquoi je me dis francophone et veux être perçu  comme tel. A l’orée de la poésie choisie et assumée comme lieu de germination et d’émotion grave et douce s’adjoint la nécessité de rentrer en friction pour reconnaitre au lieu ses lettres de créance, la trace béante de sa filante qui erupte. Le lieu est une hydre et hurle de toutes ses têtes nous procurant douceur violence et réconfort, tel est l’ambiguïté. Habiter l’inhabitable.

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La métaphore, donc n’est pas la métaphore qui veut rendre la chose par l’image, somme toute aléatoire, mais témoigne d’une friction qui renvoie à des images perdues d’une autre réalité d’un monde inqualifiable et opaque, lieu de l’erreur et de la perte , de soi et de la trajectoire, impossible puisque qu’il faut s’en éloigner, intellectuellement et physiquement parlant, mais l’inadéquat prime à la bouche qui ne peut se résoudre à parler ainsi et accepter. SLT parle de la référence constante  dans les civilisations africaines à l’humain s’opposant à l’européenne techniciste et s’éloignant d’un sens qu’elle aurait largué hors de tous sens de nature. Je tends à lui donner raison et c’est cette quête que je poursuis à la recherche de l’archipel, de la nébuleuse bienveillante car même s’il y a les marges car il y a les îles et l’aimée, les zones absentes et les ombres laissées par la relation, cette géographie n’est plus que fragmentaire et incomplète laissant d’immense zone vide et dans ces vides des taches vibrantes, les place à la tendresse, à l’accord de l’harmonie, là clignote encore dans un arsenal guerrier une propension à se donner le cœur à exister, à concevoir en mots simples et  autoriser au sein de l’espace la vie rude et authentique, non entravé par un sens extérieur, c’est cet espace qui est désiré à défaut d’aborder à l’île bien délimitée par les cotes déchirées ou limpides des mers. Les mers se sont retirées, îles et océan terre et sable se confondent par échange de tons. Comment advenir aux îles et au monde, faire reconnaitre le parfum si particulier de l’accord et de la relation, voila qui est difficile mais pointe au fusil de la poésie.

Certains auteurs, peintres, musiciens se jouxtent à ce vrac , tentent d’en voir le « vibe » malgré la destruction et l’angoisse qui y réside, et il ne faudra pas attendre autre chose dans les ailleurs des autres zones du monde, dépassées par la montée des boues plus ou moins visibles sous l’apparence humaine et le corps vibrant, je pense à « la belle amour humaine » de Jacques Stephen Alexis, l’univers a un gout amer et révoltant mais encore suave car il empêche d’exister en prenant nos têtes pour une enclume, rompant le corps et faisant fondre l’âme, l’esprit seul ne peut y remédier, âme et corps infusent dans la poésie jetée à la face du monde comme pour l’éteindre, voila les épice et la cuisson sur le bois. Mais notre monde d’ici et là fut repeint de fond en comble et sous des couches de revêtement n’est plus reconnaissable, celui qui naît à cet endroit après s’être gratté la tête est en droit de s’imaginer autre plutôt que de s’user les mains à l’arracher, SLT le dit quand il invoque la nécessité de faire oeuvre d’imagination et de création tomber cette peau fausse et imposée. La simplicité de ce qui nous parvient de l’île, le zest du regard, peut être, la musique et l’arpège, le sentiment contenu suffisent à faire germer l’arbre, sans miroir, sans béquilles, sans rafia, faisant confiance à la sève qui gronde et à l’écriture qui jaillit , au dessin qui palpe , à la couleurs qui guérit, gémit de se savoir aliénée et cassée. C’est le capot où la peau qui tombent, notre nous  en prise avec une carapace incapacitante, qui à chaque instant tente de voler en éclat pour peu qu’on l’aide et victoire de mettre à genoux ce qui rêve de nous avaler tout cru. Par les lèvres si douces et violentes parviennent la faim de la libération du carcan , la peau n’a d’autre mots qu’elle, on l’écoute.

Revenir à cette arrête de la métaphore,  se faire sentir dans le langage, dans le choix des armes et des sonorité de sens, dans nos départs et nos propositions sans que rien ne soit interdit, devrait servir à mieux ouvrir le désir à l’idée, car autre aspect primordial , il y a un déplacement de soi dans la volonté sensible du monde hors de l’éloignement qui fait de l’existence un départ, on recherche alors la meilleure compagne, on se charge de ses fruits aimés,  images,  rythmes  sons qui parlent à l’éternel vibrant qu’est le cœur, l’âme se trop éteindre accrochée à ma carcasse, le réel souffle dans le respire et l’inspire, la cage monte et redescend « atmen » engendrée à ce rythme perçu, le rêve est ce réel augmenté de la sensibilité et de l’émotion comme dit Sony, des mondes si nombreux, ces destinations proposées on les charge avec soi. Assez pour l’exotisme et la métaphore. on vient de naître à soi dans un ailleurs et un autre, force de l’évidence et suprématie du désir, la peau coulée des intempéries. La flaque d’eau océan matinée d’huile n’est plus un miroir.

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Car il faut advenir au monde libéré de ce qui gangrène nous broute les pieds et le corps, le cerveau et l’âme comme avec de l’acide, hautement toxique, en constante agression de ces différents composants dont la rage attaque l’homme qui tente,  à le projet énorme de continuer à grandir, à devenir ce qu’il pressent être au creux de la semence qui s’est déployé dans le divers, les orages les calmes et la douceur, l’homme est fait pour aimer voila le terme d’homme et ce qu’il traine. Les agents dévastateurs agissent au quotidien, tant sur l’âme que l’esprit, le corps et les sangs et forcent de façon extrêmement perverse l’homme à devenir de ce monde de violence, le réduisent, ils l’anabolisent.  L’homme refuse,  est en lutte, ne voit pas comment réaliser la synthèse, générer les anticorps et dériver de la trajectoire imposée.

L’homme s’est mis à écrire, à projeter un univers d’images  sensorielles, sensuelles, palpables, des gestes puissants qui le remettent au centre de son agir, soumet les corrélations et les harmonies qui le font carte et détourne le captateur néfaste. La création sert à  retrouver ce sens intime, l’homme en soi, l’homme en l’autre, homme en l’espace, dont la  référence insistante à la nature  est comme un miroir nu de ce soi en mouvement qui est lui dans lequel il trace des lignes, mime des signes, corrèle des mots  comme un ciel qui s’épand, récoltant la lumière. Face au visage aimé, j’y reviens toujours tant il est important et fuyant, semble s’effacer toujours, se dérober et être affaire de foi, de refus à  laisser oblitérer cette aura, ce guide, cette confirmation qui sinon ferait sombrer l’éclat dans le non sens. S’il accepte de se dissoudre comme il est dissout,  devient une vulnérabilité qui lui fait toucher du doigt  le sublime en rompant le point le plus fin de la peau, par où il rejoint le vide et se diffracte, en l’autre, s’il aime assez.
Il semble parfois croire sur les chemins de la poésie que les rencontres sont à l’échelle de l’immensité. Écrire, projeter des moyens de mots ou de pigment sert  justement à se réinvestir, se remettre en face de son objet, et se remettre en route . Sony dirait de faire vivre dans sa zone d’influence, intérieure et extérieure sa pensée en actes, sa croyance et son devenir. L’homme dans le sens de la marche. La femme aimantée et le monde  par ces traces de verbes audibles et les yeux se mettent à voir, sombrent dans l’émotion, transportés dans cette sensibilité de nervure amoureuse qu’est le monde lorsqu’il s’agrippe. Accroché à pagayer, toujours y mettant plus de force pour endiguer le retrait, se grossir de ce qui est vrai et beau, donner vie à la sphère et qu’elle brille. Cette lutte est la lutte de l’humanité essentielle et est de chaque instant, nécessité hurler les muscle pour marquer l’emplacement  et faire rentrer le breuvage en soi pour un feu bénéfique.

SLT , Encre, sueur, salive et sang

Sony Labou Tansi , mon frère ouvreur ou poète sueur, poète sang qui célèbre la vie non dans les plis mais dans la chair du monde , l’oreille collée à tout ce qui est vivant et le stylo à la main pour n’en pas perdre une goutte, le style directement dicté par le soleil ou par l’organe est une passerelle et une pente à suivre :
J’appartiens à la partie de la Terre qui aujourd’hui compte six cent ans de silence. Ce silence nous a enseigné deux ou trois choses capitales : la beauté de la différence, les rapports avec la nature, l’ouverture vers l’autre. Je ne veux pas dire que nous soyons les meilleurs. J’écris sans doute pour témoigner de ma différence, pour garantir celle-ci ; parce qu’elle est un enrichissement pour l’humanité, parce qu’elle est la seule vraie possibilité d’ouverture sur « l’autre » ; la seule vraie voie de rencontre avec l’autre ; enfin la seule garantie contre l’uniformisation, l’intolérance et le fascisme. Évidemment si bien gérée, la différence garantie l’harmonie, mal gérée elle engendre le chauvinisme et conduit à l’aveuglement. (…)
La littérature est, je crois, l’art de savoir partager avec les mots. Sa vie. Ses espérances. Ses heurs. Ses malheurs. En un mots, son destin individuel ou collectif. Nommer, le commencement de toutes réalités. A cause des rapports que nous entretenons avec le rêve. Parce que le rêve c’est la réalité vue au microscope de la sensibilité. Le rêve c’est la réalité vue avec les yeux de l’émotion. Tout le monde n’a pas le temps de regarder les choses à s’en fendre les yeux. Moi j’ai ce temps là. Je questionne à temps perdu chaque parcelle de matière, chaque lamelle de la réalité. Parce que je ne suis pas sûr des choses. Je ne suis pas sûr du monde. L’acte d’écrire qui, quelque part, rencontre l’acte d’amour, m’aide à confirmer les choses et les situations, à mes propres yeux d’abord, aux yeux du monde, ensuite. Nommer étant prendre corps, essayer son propre corps à tous les corps du monde, reste pour nous le terrible embarras de l’encerclement, quand les choses échappent aux filets des mots. Et bien entendu, la trouille de sous-nommer qui engendre l’amère impression qu’on est humain en catastrophe ; alors qu’on se voudrait humain à charge, sans circonstance atténuante, humain par la grande porte , traversé par les mots, piétiné, soleil en berne venu à la fête des monstres et qui casse la gueule à la chair de poule. Et après la page blanche, la nausée de savoir que, les mot lui-même n’est qu’un cadavre qui flotte dans les eaux pourries du conformisme. Rage pour rage, à coté du corps gratuit qui conspue la flamme, l’écrivain fonctionne en fonction de la nuit. J’écris, entendez je me dénigre. Mais je n’avilis personne, Je suis un tesson de chair ardente qui dit son amour à tous les hommes ; j’atteste qu’on est vivant. Fonction ingrate bien entendu. Quand on sait qu’on écrit affamé parmi tant d’affamé. Que ceux qui n’ont pas de quoi acheter du pain n’auront pas de quoi acheter un livre. Qu’il y a tant d’analphabètes, à commencer par son père et sa mère. Qu’on a pas de lumière chez soi pour lire après le travail. Qu’il y a tant de gens qui ont peur d’un livre ( parce qu’ils se sont improvisés gérant inconditionnels de la vérité), parce que dans certaines parties de notre monde moderne, la loi interdit de penser .
SLT , Encre, sueur, salive et sang , seuil

 

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Sony Labou Tansi

Matana ! suite

 REenact

(c) Matana Roberts
(c) Matana Roberts

A l’instant d’écrire on ne reproduit pas les pages et les pages passées au filtre des bancs d’école et des éditeurs, le stylo n’émet pas un sifflement avant de fondre sur la page, un doigt en l’air comme de prendre le thé, les souvenirs affluent ils ne sont que souvenirs autant dire feuilles mortes, les pages et les pages vibrent de la surchauffe de l’instant elles n’entendent plus leur voix, elles vont de plus en plus vite et c’est là qu’elles sifflent.

Dans le lointain il y a comme une sirène de police, ce son pourrait être déplacé mais il ressort nettement Matana dit quelques mots comme elle est contente d’être là et qu’elle va souffler, elle a une voix toute douce que peut être elle tient du fleuve elle porte une jupe et elle tient à dire que les vie noires ont de l’importance toutes les vies ont de l’importance les vies point barre, noires vies sirènes de police.

Le sax prend la relève, ne sert plus à rien de parler ou d’écrire. Matana fait parti des musiciens qui aiment la poésie, elle aime le texte elle aime la voix elle aime dire elle fait des collages elle récupère elle divulgue elle collecte, des voix des musiques des histoires des coup de pinceau un coup de colle des instantanés une image des images se superpose ça sèche n’en fait plus qu’une tout est filtré dans la voix comme effilé dans la personnalité la vie qu’elle pousse devant soi et les milliers de vies qui roulent celles d’avant de maintenant d’hier qui sont mortes et exigent le saxo prend le temps de les dire toutes il reste dans le présent, il pousse retient regarde et délivre menace comme les vies niées menacent ont peur et sont en suspend pas de point rien ‘est arrêté tout coule revient revient encore incessamment est rappelé le texte n’est pas un texte il s’inscrit et parle divulgue pulpe rond strident calque colle collage à la colle qui pulpe à la voix qui ne dit pas mais rappelle c’est une longue histoire et qui continue news break un poème la voix documente comme un court film fait de petit clip et d’images superposées sont une introduction un résumé une réenaction                          REenact             RE en ACT

Y a t’il de la colère, la voix s’astreint à un débit lent aussi lent et posé que la réalité ce qu’à force on peut nommer comme cela et qui rassemble tous ces éléments qui affleurent le soir au JT ou qui devraient si on en parlait, il s’agit de violence de pouvoir caché mal utilisé d’au final ce que cela permet comme le poing déguisé de la loi qui matraque les pauvres pour ouvrir le chemin à qui , peut importe la voix se fait large comme un beau travelling qui n’a rien d’élégant mais permet de voir, ce qu’il se passe et ce que cela veut dire

retranscrit en musique, rappelant les images et la figure magnifique de Matana se dessine qui entrouvre les pans épais comme pour laisser voir au delà du ressentiment, presqu’objectivement ce qu’il faut bien comprendre et écouter, on le fait parce que derrière une vie vibre du souffle quand elle profère une vie est le point par où tout cela commence revient ondule par lequel tout cela revient reprend vie comme nous pouvons l’entendre.

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mélangé ou notes contre la connerie ordinaire

Je sais que j’ai du sang noir

c’est lorsque je fleuri
je pleure je trahi te rattrape à terre JE SUIS I AM
je m’oublie  je désire je suis comme toi je valse  et tous les autres verbes en langue originale lassée d’être originale et qui se superposent pas plus novlangue que pidgin, JE TE PARLE par ma bouche tu sors  tu rentre ma langue dans ta langue sans précédent se fécondent sans que pour autant je baise la faconde déborde

(c) Eric Bridgeman 5, BLACK BEAUTY
(c) Eric Bridgeman 5, BLACK BEAUTY

Qu’est ce que le nous qui serait Je et non plus tue alors je ne dis rien je me contente de penser que les hommes circulent librement dans mon sang

Pourquoi ne puis je me contenter d’être, c’est un peu que je suis las de te voir faire des victimes d’entendre dire « Black lives matter » d’entendre parler de Baltimore et maintenant de Charleston IMG_0852 de voir ta beauté opposer la mienne alors que

je suis crépu je suis bronzé j’ai des poils sur le poitrail et mes ancêtres chassaient le phoque et la baleine à Terre Neuve ,

ahahahaha que c’est bon d’être tout mélangé !
refrain ,
ah la blanche n’est plus ce que c’était , elle à noircie elle a roussie elle a même des rayures jaune et le sang a fait des petits

notes sur ma Glissantéitude :
comme  je vois les choses ,  un vif mélange de tous les jours ou je suis noir blanc jaune, blonde et brune, pas juste parce que cj’ai envie pour une raison quelconque, pas juste que la couleur importe mais l’odeur, le parfum le gout, le son le geste le monde entier, mais   furieusement à l’écoute et que comme dit Césaire un seul mot qui manque et nous sommes incomplets , finalement je continue à être très glissantien

tumblr
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notes sur la connerie ordinaire et  que je déplore

L’orage, il n’est pas besoin de grand mot pour parler

Comme on dit des œufs quand ils montent en neige sublimés par chaque tension de la mêlée empreinte des correspondances.

(c) Matana Roberts
(c) Matana Roberts

On a beau extraire la voix / ce qui semble ce mouvement incessant de la ville la gestuelle urbaine monte non retirée de sa matière / de la lumière cafardeuse mais augmentée de la certitude qui l’effile elle n’est pas une épée plutôt l’orage des soifs et garde sa puissance singulière la voix monte incessante méditation au milieu du brouhaha rehaussée du tranchant détaché du collage fondu dans la colle elle parvient à frapper comme un coup de poing qui échappe dans la beauté elle est belle elle s’entend elle est spiritualité elle s’étend comme l’énergie du bruit montée en musique il n’y pas de point il n’y a pas de ligne juste la voix ascensionnelle

La voix s’apaise la paix s’étend sur les bruits anciens un poème autoproclamé pourtant parle des départs des troupes en Irak on se souvient tous du GI et on allume des bougies et le noir se fait sans que la salle se rallume. Il n’est pas besoin de l’argot des rues pourquoi taguer les murs quand on peut s’exposer à la voix   dessiner à la vitesse infinie du son faire surgir de tous les dessins le dessin la forme indigo le trait épais la spirale qui recouvre toutes les autres la voix fine quand la voix se fait rauque  la voix vaste la main large comme le temps et le dessin qui la maintient.

(c) Matana Roberts

Maintenant (ce que ne dit pas ton nom)

 l’en bouche       l’en tonoir  va ramasser des mots dans ce clin ou seul le blanc de l’œil n’est pas noir. Pousser une porte sur le vide revient à se cacher derrière des livres que l’on ne voit pas, face ou de dos parfois ils bougent et migrent.   Cela va de plus en plus vite   Dans le fil étroit l’on entend que ça pousse Parfois un vieil homme médite La porte de Babylone s’ouvre c’est à dire que là où  s’ouvre la porte des gens pressés se cachent Sautent dans les vides  Il y a un brouhaha de tous les diables et les morts se mettent à chanter.

Matana Roberts
Matana Roberts

Dehors dans les rues ce que tu promène avec toi les barques obscures chargées des frères chargées des nouveaux nés On ne sait pas ce qu’il y a dedans tu grimpes sans grimper,    la pénombre favorise le rêve et l’éclosion   C’est pourquoi j’ai commencé il y longtemps à les ouvrir et à en faire des tas, c’est pourquoi je suis parti maintes et maintes fois vérifier si l’histoire était vraie Maintenant souvent l’histoire ne sert que de point de départ Maintenant la source coule Maintenant le monde est en marche Maintenant le monde n’en finit pas Maintenant le monde écoute.

    https://soundcloud.com/matana-roberts/black-lives-matterall-lives-matter

black lives matter

This is a work in progress. This live iteration was placed in the universe 8pm Dec 3rd, 2014 at Roulette Intermedium, Brooklyn NYC It is a concert length, durational sound experiment based on a video/paper graphic score sound strategy I created that is also part dice game…..The Video Score: created around imagery of Michael Brown, Trayvon Martin, Tamir Rice and etc… I will load the video somewhere else and link later…. the background image is a page of the score game. The entire score( paper and video combo) is based on the grand jury testimony of Darren Wilson and Dorian Johnson as well as various modes of astral numerology and ecological coordinates as related to Ferguson Missouri and the murder of Michael Brown. Sound adventurers, other than myself in this configuration are: Liberty Ellman, Guitar Kevin Tkacz , bass Ches Smith, drums I am playing alto saxophone, loop pedal, tape player, clarinet, wind up timer and I am using conduction patterns created by the great late Butch Morris. text i am reading: Policy Mic : mic.com/articles/96448/5-dist…tarization-in-america This is still VERY much a work in progress…. im most curious about modes of social justice, improvisatory sounds and how the two coincide in realms of sound experimentation for the purpose of pushing change and reform…. thanks for listening. and please continue standing up for what is meaningful to you through art making…. someone out there needs you.

à écouter :

à lire

sur drone

pour suivre :

Matana

I am Matana

soundcloud

La lectrice, un haiku doré

La lectrice
elle se demande
elle fronce son visage fronce
le blanc titane tout autour
lui aussi fronce
faire une barricade

d’abord on n’y perçoit pas de phrases
mais de grandes planches
presque une estrade

de là elle peut déclamer
en silence défricher
dessiner entre les lignes

apposer des mots
en recouvrir d’autres
de son pinceau
tirer le rideau
jeter l’eau du bain
ouvrir un coin de
ciel bleu et
mettre un point

(c) Kerry James Marshall
(c) Kerry James Marshall

dans la pureté elle trace de
grandes lettres
elle est la star de ses pages
ces journées sont
ses couvertures
qu’elle tire à soi

alors elle
elle découpe les magazines
dans les jaquettes les romans à deux sous
elle fait des corsages
qu’elle portera dans l’épisode 4
maquille les ongles des poignées de porte
et par dessus tout
fait un discours sur les événements d’Omaha

un slogan
passionnants entrefilets petites annonces
et faits divers

une orange sera le fond  gros rouge
vert brindille  feu fondant  œufs follets
un haïku en quelque sorte
poire belle Hélène et pêche melba

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Volupté

Comment peindre ce qui est indubitablement est, un portrait, fidèle avec ses envolées, dans cette série il y a le mystère qui indubitablement est. Des aplats, d’abord un regard, puis une surface, avec scratch ou aspérités, l’halène et l’aspic c’est un voyage de légende dans la toile. Le sable recourt le noir mais toute l’histoire des générations comme un instantané.

(c)  kerry james marshall
(c) kerry james marshall

Que me dit de toi cet ex-voto , tu signe la date, le nom, la peinture parle toujours d’un autre comme un témoignage en soi d’un mystère. Rehaussé au rang d’icône, les séances de psychothérapie ne disent pas tout de ce qu’il y a à voir et les traits immobiles, figés comme un photomaton ne sont pas l’œuvre d’un instant mais d’une aptitude à tous les actes d’une vie, et pas une ride, comme une prédisposition semblable à celles que portent les spermatozoïdes  quand ils s’élancent, se fichent dans le monde, la tête la première au saut de l’élastique. Alors des grands coups de pinceaux plantent le décor, il n’y a pas d’épaisseur mais l’on devine le père, la mère, l’oncle, le grand père et les aïeuls d’Afrique et sur cet autel au seuil des lèvres, un tremblement, sorte de manifeste. Pour autant je serai mort demain ou après demain. clap de fin. Mais maintenant je vis, c’est manifeste, vibrant, criant tout est contenu ne demande qu’à sortir, s’exprimer. Il y a des roses comme à la naissance, tout autours de ce visage sans fard, beau, tout un champs de coton et les initiales d’un destin, il n’y a plus qu’à combler les vides et se laisser aller à être volubile. vita volubilis.

(c) Kerry James Marshall
(c) Kerry James Marshall

Au delà de la peau, contrefaçon de textures de bois d’ébène, patine des masques, clichés pour la revue « ebony » il y a des images ressassées qui n’en sont pas. La peau fait masse c’est qu’elle n’est plus la peau qu’elle est plus que la peau mais une sorte de densité, qu’elle soit habillée d’un polo Lacoste ou  nue, la couleur est pleine, semble attirer la peau à la vie, sans qu’il y ait d’extérieur ni que cette description ramène à la personne, celle décrite nommément, alors quoi ce serait une densité, une saturation telle que l’on n’y verrait plus rien d’autre qu’elle même et le rapport aux objets, qui tout de même, est possible, qui s’impose. Portrait à l’appartement rangé.

sob sob 004
sob sob 004

Gauguin dans les cauchemars l’avait peint, est-ce plus facile que le blanc ? le blanc est-il plus détaillé et sombre t’il dans la complaisance de détail qui, sans sembler appartenir à plus vaste que soi? le corps quoi qu’il fasse est ramené à ce qu’il n’est pas ou à ce qui le dépasse, ce n’est pas tant qu’il lorgne vers ses possessions, qu’il semble lié par une quelconque familiarité, occurrence ou simplement  l’occasion, la description d’un moment, état d’âme, car il y a de l’âme et d’une pensée. Je me sens aller vers la littérature et je voudrais citer Tony Morrison, celle de « Home », plutôt .  Il y a de la description de quelque chose de la faille intemporelle, d’une rupture dans le schéma, là le croquis, la planche de  BD ne fonctionne plus comme texte , alors il faut incorporer les éléments dans la chambre et redresser le schéma fictif. Le récit sanglote dans un seul tableau sans lien apparent avec  la figure centrale, les yeux démentent, le corps raconte l’histoire comme cousue de fil blanc et point par point coud l’improbable ensemble, c’est très ressemblant. c’est un roman, un canevas, les yeux crachent l’histoire jusqu’au bord des larmes, jusque dans les bords parfois trop bien peints, parfois comme un tag ou une reprise au pinceau de bâtiment. C’est facile, rien ne ment.

 (c)  kerry james marshall
(c) kerry james marshall

Il faut porter la fresque hors de la chambre. Mais alors on s’embarque pour une virée nocturne, alors le visage, la robe, les jeans ne sont plus l’histoire, elle s’échappe et c’est un leurre, à y regarder de plus cette succession d’histoire en une seule qui se répètent, c’est la voix qui la porte, la voile on souffle cette fumée de cigarette,  ces objets de la spiritualité du quotidien comme une offrande, sur la table de nuit le candomblé redouble d’intensité, c’est palpable, l’on parle de quelqu’un d’autre.  On a déjà parlé de densité, dans l’avenue il n’y a pas de bateau, il faut bien que ce soit une embarcation de l’intellect, un engagement dans l’avenue du sensible, sur les murs un recueillement  d’hymne Motown à la messe urbaine, est une faille, une assemblée, une rupture, un credo, on a trop longtemps mis sur leur dos l’archétype, comme si d’un il n’y en avait qu’un, que chacun n’était pas clos et qu’il suffise de crack en crack, krik krak et Zora sur le porche à enfiler le collier des perles des devinettes, le deep south, les South et les scats de Harlem sont une succession tout en épaisseur digne d’un masque du Congo, planter des clous plutôt que choux, de guimauve de déhanché de disco, sensualité qui aime à sortir et brille, l’hallucination étincelante, proclame l’avènement d’un style nouveau :  décrypter l’âme mais écouter, j’appelle à la barre la prochaine diapo, le témoin qui saura dire:

(c)  Kerry James Marshall:
(c) Kerry James Marshall:

Il y a de la sensualité, et mes fantasmes sur fond musical, assis à une table de jazz. Que dit le portrait ? Rien que je n’ai déjà rabâché, ou plutôt tout contenu dans cette attente, cette attention , cet attendu , la somme des possibilité l’étreinte de tous les parfums dans un gloussement, mais l’on va m’accuser de partialité, de ne savoir écouter. Mais voici qu’au delà de la poussée fictive de mes fantasmes, tous les signes distinctifs  y sont attachés dont on fait une peinture, black suburban middleclass my love, c’est bien sûr l’art  d’attacher, subtilement et  sans prétention c’est dans le poème, sur la toile étendue à l’accession au statut.

Et pour finir, l’auteur s’explique sur ces intentions, certes, le style est du plus pur comic strip mais n’est ce pas justement l’idéal pour laisser le portrait s’expliquer de ses intentions, dérives, contextes et subtilités inexpliquées.

(c)  Kerry James Marshall:
(c) Kerry James Marshall:

quelques liens utiles :

sur Kerry James Mashall
interview sur « bomb »
petit focus sur l’art noir américain
androphilia
sur contemporary art daily
Jack Shaiman Gallery
chez Forma es vacio …

(c)  Kerry James Marshall

A voir ses yeux,

Elle n’est pas une fiction. je la vois me fixer comme une fournaise, un four, un petit four, sur le pallier du volcan, tout de feu, tour de chauffe.

Coté sucré

Le pain d’épice dont on fait les fantasmes, confiture de groseille sous un faux air de biche tueuse, coté salé elle est l’anaconda étouffeuse de ses victimes qu’elle mange en marinade,

D’Or même, elle en est plein , sa double carnation, le roux carquois fuselé à col roulé elle s’habille du limon de la Terre s’embrase de lave succombe dans les typhon, la  douce amande, l’embroussaillement fatal de la savane sur sa peau, le derme un dard je patauge sans respirer et pour finir sonne l’alerte à pleine voix  dans l’ellipse sans fin du coquillage de ses cheveux, on y entend la mer, l’odeur tellement sexuelle des vagues et le basson tropical, et tout cela sans yeux comme une aberration, la calme assurance des iliennes.

L’Olympe est un hôtel ***

Comment les dents de cette fleur carnivore la langue passe repasse c’est une râpe douce effilée et pimentée, les retombées sont fauves alors cette sensation de calme de glissade dans la neige sauve dans la sérénité.

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Une fiction qui n’ait pas d’yeux .. j’en entend qui pouffent, alors que que tout en elle est Yeux, ces cuisse, jarretières, sa crinière de cheval et tout le tralala tout n’est qu’yeux .